Alain Bossé et Paul Roux2025/05/29

DÉPLACEMENT DES COULEUVRES BRUNES ET PROTECTION DES ESPÈCES MENACÉES

(English version follows)

Le 8 avril dernier, l’Arrondissement de Verdun, sans crier gare (sinon le matin même), a lancé une grande opération pour faire disparaître les couleuvres brunes du terrain où il entend aménager une pumptrack, à la Pointe-Sud de L’Île-des-Sœurs, près du Boisé Saint-Paul. Une haute clôture inesthétique a été érigée, de la machinerie lourde utilisée, le sol creusé, des arbres arrachés et, fort probablement, des serpents écrasés.

 

L’ennui, c’est que Verdun n’a pas obtenu la permission environnementale requise du Gouvernement du Québec. En effet, avant de déplacer une espèce menacée ou vulnérable au Québec, il faut avoir en main une autorisation ministérielle. Quiconque procède sans les prérequis prescrits en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (chapitre E-12.01) commet une infraction. 

 

Chez nous, la couleuvre brune a été placée sur la liste des espèces menacées ou vulnérables dès 1992. Il s’agit du serpent le plus rare dans la province. « C’est une petite couleuvre discrète, qui fréquente les milieux ouverts et la lisière des boisés », peut-on lire dans un rapport pour le ministère des Ressources naturelles et de la Faune. On l’observe uniquement dans la grande région de Montréal, où elle est constamment menacée par la densification et l’urbanisation. L’empiétement urbain érode et isole ses populations.

 

Sanctions pénales et administratives 

 

Les sanctions pour un déplacement sans autorisation varient selon la gravité de l'infraction et le statut de la personne (physique ou morale). Selon l'article 42 de la loi, une personne physique qui réalise une telle activité, sans avoir obtenu l'autorisation requise, est passible d'une amende de 5 000 $ à 500 000 $.  Pour une personne morale, comme un arrondissement, l'amende varie de 15 000 $ à 3 000 000 $.

 

En plus des sanctions pénales, des sanctions administratives peuvent être imposées : 1 000 $ pour une personne physique ; 5 000 $ pour une personne morale.

 

Précisons que le déplacement de couleuvres brunes contrevient au Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats (Article 1, paragraphe 6).

 

Des relocalisations peu efficaces

 

Selon le rapport cité précédemment, « la destruction et la modification des habitats représentent les principales menaces à la survie de la couleuvre brune ». Le problème est d’autant plus épineux que les relocalisations d’individus se sont révélées inefficaces par le passé. « Le succès de ces pratiques a été évalué à 19 % par Dodd et Seigel (1991) lors de l’analyse de 25 cas de relocalisation d’amphibiens, de serpents et de tortues. »

 

Il faut ajouter que la couleuvre brune est particulièrement vulnérable à la destruction de ses hibernacles, ce qui peut avoir des conséquences particulièrement néfastes sur sa survie.

 

Notons aussi que des couleuvres brunes ont été tuées par la circulation de voitures et de vélos, ce qui plaide contre l’aménagement d’une piste à rouleaux à la Pointe-Sud de L’Île-des-Sœurs, ceci particulièrement sur une friche arbustive abritant cette espèce menacée. L’aménagement d’une telle piste isolerait les couleuvres et fragmenterait leur habitat.

 

« La situation de la couleuvre brune au Québec est très préoccupante », conclut Daniel Pouliot dans son rapport pour le ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Ce biologiste-écologiste estime le maintien de l’espèce déjà gravement compromis.

 

La décision de Verdun est donc des plus regrettables. On se demande comment Projet Montréal, qui se targue sur toutes les tribunes de protéger la biodiversité, en est arrivé à vouloir implanter un tel équipement sportif dans un milieu riche en biodiversité plutôt que sur un terrain déjà minéralisé comme il en existe déjà à L’île-des-Sœurs.

 

Apparemment, la mairesse et les conseillers de Verdun (tous de Projet Montréal), n’ont plus de boussole, qu’elle soit environnementale ou légale.

 

Alain Bossé et Paul Roux

 

RELOCATION OF  BROWN SNAKES AND PROTECTION OF ENDANGERED SPECIES 

 

On April 8, without warning (except the same morning), the Borough of Verdun launched a major operation to remove brown snakes from the site where it plans to build a pumptrack, at the southern tip of Nuns’ Island, near the Boisé Saint-Paul. An unsightly high fence was erected, heavy machinery brought in, the ground dug up, trees uprooted, and most likely, snakes were crushed in the process.

 

The problem is that Verdun did not obtain the required environmental authorization from the Government of Quebec. In fact, before relocating a threatened or vulnerable species in Quebec, a specific ministerial permit must be secured. Anyone who acts without the prerequisites required under the Act Respecting Threatened or Vulnerable Species (chapter E-12.01) is committing an offense.

 

In Quebec, the brown snake has been listed as a threatened or vulnerable species since 1992. It is the rarest snake in the province. “It’s a small, discreet snake that lives in open areas and forest edges,” states a report prepared for the Ministry of Natural Resources and Wildlife. It is only found in the Greater Montreal area, where it is constantly under threat from densification and urban sprawl. Urban encroachment erodes and isolates its populations.

 

Criminal and Administrative Penalties

 

Penalties for unauthorized relocation vary depending on the severity of the offense and the status of the offender (individual or legal entity). According to Section 42 of the Act, an individual who carries out such an activity without the required authorization is liable to a fine ranging from $5,000 to $500,000. For a legal entity, such as a borough, the fine ranges from $15,000 to $3,000,000.

 

In addition to criminal penalties, administrative penalties may also apply: $1,000 for an individual; $5,000 for a legal entity.

 

It should be noted that the relocation of brown snakes violates the Regulation Respecting Threatened or Vulnerable Wildlife Species and Their Habitats (Section 1, Paragraph 6).

 

Ineffectiveness of Relocations

 

According to the aforementioned report, “habitat destruction and modification are the main threats to the survival of the brown snake.” The issue is all the more concerning given that past relocation efforts have proven ineffective. “The success rate of such practices was evaluated at 19% by Dodd and Seigel (1991), based on the analysis of 25 cases of amphibian, snake, and turtle relocations.”

 

It should also be noted that the brown snake is particularly vulnerable to the destruction of its hibernacula, which can have especially harmful effects on its survival.

 

Brown snakes have also been killed by vehicle and bicycle traffic, which argues against the development of a pumptrack at the southern tip of Nuns’ Island, especially in a shrubland that provides habitat for this threatened species. Constructing such a pump track would isolate the snakes and fragment their habitat.

“The situation of the brown snake in Quebec is very concerning,” concludes Daniel Pouliot in his report for the Ministry of Natural Resources and Wildlife. This biologist-ecologist believes that the species’ survival is already severely compromised.

 

Verdun’s decision is therefore highly regrettable. One wonders how Projet Montréal, which prides itself in every forum on protecting biodiversity, came to want to build such a sports facility in an area rich in biodiversity rather than on a site that is already paved over, such as those that already exist on Nuns’ Island.

 

Apparently, the mayor and councillors of Verdun (all from Projet Montréal) have lost their compass, be it environmental or legal.

 

Alain Bossé and Paul Roux


LA COULEUVRE BRUNE ET NOUS

PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ - LA JUSTICE APPELÉE À LA RESCOUSSE